ÉDITORIAL (É-W, n°2/2007)

Dans « Eglise-Wallonie », il y a « Wallonie ».
Mais dans quel sens ?
Suscitées par le calendrier politique,
les lignes qui suivent devraient aider à répondre
à cette question.

Des propos tenus actuellement donnent l’impression que la régionalisation , qui – rappelons- le – fait partie de la sphère des questions communautaires ou institutionnelles, serait le fruit d’un caprice de l’histoire, d’une conjonction hasardeuse d’intérêts composites ou d’un complot d’hommes et de femmes politiques créant leur plan de carrière.

Bref retour en arrière.

La régionalisation est tout simplement, si on peut dire, l’entrecroisement de deux dimensions dans notre histoire : la revendication d’une identité culturelle et   la volonté d’une relance structurelle de l’activité économique. Or, on sait que la première a surtout été portée par la Flandre en vue de la reconnaissance de la langue flamande et la seconde par la Wallonie   pour la restructuration d’une économie charpentée autour de la première révolution industrielle.

Chemin faisant, la Flandre a incorporé dans sa dynamique politique la dimension économique, mais le symétrique n’est pas vrai pour la Wallonie en ce qui concerne la dimension culturelle.

Ce rappel fait et en ces périodes de campagne et de constitution d’un exécutif fédéral, il   nous semble qu’il serait temps de revenir sur les fondamentaux de la régionalisation.   Bien sûr, nous ne pouvons   tout aborder dans un éditorial. Relevons donc trois éléments : territoire, langue et projet.

La Wallonie a souvent eu « mal à son territoire ». Et dans des registres différents : périphérie, Fourons, la saga du « déménagement » des services de la Région wallonne de Bruxelles à Namur, etc. A présent,   le débat rebondit à nouveau sur la relation Wallonie-Bruxelles.   Sous le couvert d’un débat d’économie spatiale ou régionale, en voulant afficher l’inexistence ou la non-consistance de la Wallonie, est en   fait en jeu celui de l’essence même de cette région, car il est des façons de débattre destructrices de tout processus de construction.

Dépassant le cadre des discussions d’avant et après scrutin, il convient de relever aussi combien nous sommes submergés d’informations sur les séjours ou classes en immersion,. Le   tout au néerlandais est omniprésent noyé dans une exigence d’un bilinguisme « civique ». Et pareille   pression occulte la liberté de choix dans l’apprentissage des langues envisagée en fonction de choix individuels et de localisation au sein de la région, que ce soit   vers l’allemand, l’anglais ou la langue mémoriale que sont les parlers wallons ou encore vers l’espagnol, l’arabe…et le néerlandais, avec   l’ouverture au monde proche ou lointain qu’offre cette liberté là pourtant tellement mise à mal.

Le projet wallon est essentiellement un projet économique. En témoigne le plan Marshall. Nécessaire, oui, suffisant non. Il faut, en effet,   un plan, ou plutôt un projet qui soit politique, c’est-à-dire   global. Économique certes, mais embarquant aussi d’autres variables que celle purement économique, soit toutes celles fondent le développement humain : le savoir, l’expression, la capacité créative comme celle du débat , l’ouverture aux domaines de l’existence touchant l’immatériel,   l’augmentation du capital social, la solidarité déclinée territorialement et socialement,… Ces dimensions, indispensables   au projet politique, ne peuvent plus   demeurer aujourd’hui à distance du projet wallon ; par surcroît, elles soutiendront sur le fond l’effort déployé vers une économie concrètement refondée et vivifiée.

Bref, en Wallonie, il s’agit de fonder aussi sur la culture le projet de vie collective.